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Wegoslavie
11 août 2013

Illidža - Jajce (Bosnie)

Dimanche 11 août

Départ  Illidža : 11h
Arrivée Jajce : 18h
130 km

Instantané Google Earth

Je n’avais plus qu’à mettre le vélo sur le porte-vélo quand je me suis aperçu que mon Rockrider n’était plus à sa place. Je ne saurais jamais si, étourdi comme je suis, j’avais bien attaché le vélo, après une dernière tentative infructueuse de rechercher une selle dans la ville. N’ayant pas retrouvé de cadenas coupé au pied de l’arbre, il y a bien des chances que j’aie facilité la tâche des voleurs. Ironie du sort, il ne m’est donc resté de ce vélo - qui en aparté, m’a toujours causé quelques soucis - que la selle et sa tige. Je me demande encore aujourd’hui s’ils ont, eux, réussi, à trouver la pièce manquante. Si un jour, vous louez un rockrider au début de la Grande Allée ;  pensez à moi.  

Oh, bien sûr, il aurait fallu que je dépose une plainte dans une gendarmerie. Premièrement ça nous aurait grillée la journée ; deuxièmement, je pense que la police a d’autres types de problèmes à régler dans le coin ; troisième, à part une ligne dans des statistiques, cela n’aurait rien changé à l'histoire. Il est fort tentant d’accuser les gitans, de l’autre côté du camping, qui squattent dans un terrain vague. Beaucoup de choses les désignent comme les coupables idéaux : matériel de récupération entassé, enfants en guenilles qui font la manche au feu rouge devant le camping, chiens errants, feux de pneus (ou quoi d’autres ?) le soir, mines patibulaires et réputation bien ancrée dans nos têtes. Et en même temps, c’est le seul camping du voyage où nous croisons autant de monde, de jeunes et moins jeunes, venus de toute l’Europe. Alors ?

Toute la nuit, des chiens ont aboyé. A en devenir parfois agaçant. Avec le recul, nous aurions dû comprendre qu’ils gueulaient contre des rôdeurs. Au moment de payer, après être passé derrière un groupe de quinze italiens paniqués à l’idée de ne pas avoir de marks en poche, j’explique au bonhomme de la réception ce qu’il vient de m’arriver. Pour me rassurer, il m’explique à son tour, qu’un autre campeur, lui, s’est fait voler son appareil photo dans la nuit. That's life !

Allez, comme le beau temps est revenu et que « ce n’est que du matériel », on ne va pas se morfondre. Nous sommes donc repartis sur les routes, avec l’intention de remonter vers le nord-ouest de la Bosnie du côté de Bihać, en traversant le centre.
Nous évitons, sans le vouloir, la seule portion autoroutière du pays entre la capitale et Zenica. Nous ne verrons donc pas les mystérieuses pyramides de Visoko. Sur la petite départementale, nous sommes un peu retardés par des camions qui livrent des pierres - un dimanche. Puis, la route serpente entre des collines boisées, passant dans plusieurs villages dont l’aspect multiethnique saute encore aux yeux, avec ses différents lieux de culte regroupés autour des villages. Encore que, je remarque – peut-être est-ce du hasard – que les églises catholiques, elles, sont érigées sur des promontoires. Plus hautes que les autres. Certaines mosquées semblent totalement neuves, et pourtant ce sont les drapeaux croates qui fleurissent. Habitations, ruines de la guerre, petits ou grands centres commerciaux, petits hameaux de campagne, mini cités HLM, panneaux publicitaires : paysage de bord de route semblables à tous les bords de route.

Nous voici à Travnik, ville de naissance de Ivo Andrić. En 1942, il publie « La chronique de Trvanik ». Difficile d’imaginer que cette petite ville de province de moins de 20 000 habitants, encaissée au fond de son vallon, dominée par des sommets boisés, fut la capitale de la Bosnie ottomane pendant 150 ans. Dans son livre, Andrić se charge de nous plonger au cœur de la cité, quand celle-ci, devient pour quelques années, le point de rencontre des trois plus grands empires du XIXe siècle. En effet, pour répondre à la nomination d’un consul par Napoléon, les ennemis autrichiens envoient également à Travnik un ambassadeur. Lieu de résidence du Vizir, chargé de représenter la Sublime Porte, la petite ville devient un enjeu de pouvoirs et d’intrigues entre les trois puissances.

Il ne reste pourtant pas de fastes de cette période. La ville semble avoir gardé l’humilité, la modestie, la simplicité des montagnards/paysans qui l’ont bâtie et habitée. C’est une sorte de photocopie réduite de Sarajevo. Sur les hauteurs, versant sud, la forteresse domine le quartier ottoman où s’élèvent les minarets.

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En bas, le fond du vallon abrite la Baščaršija et sa formidable mosquée peinte, cas très rare dans l’art islamique. Encore plus étonnant, elle possède des arcades sous lesquels sont installés des magasins.    

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En remontant le vallon, les bâtiments prennent la teinte austro-hongroise, avec leurs grandes fenêtres et les décorations en stuc. Entre les deux, la maisons natale de Andrić. Un tag défie la réalité de la Bosnie actuelle : Jugoslavija. 

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A l’intérieur de la forteresse, nous visitons un petit musée ethnographique assez bien fait, et surtout nous profitons de la vue sur les toits de tuiles, par-dessus les minarets qui entonnent le chant de la mi-journée, et en face, versant nord, les lourdes bâtisses ottomanes, peut-être les plus typiques que l’on ait vu de notre traversée bosniaque.

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Par le dédale des ruelles et escaliers, nous arrivons à la Plava Voda (l’eau bleue), là même où s’ouvre le récit d’Andrić, là où depuis toujours autour d’un saule pleureur, et au bord d’un torrent qui surgit directement du ventre de la montagne, les travnikois viennent siroter un café turc. Bien sûr, maintenant, il y a aussi des marchands du temple vendant jouets et souvenirs (une vendeuse offre, je dis bien offre, à Ivann un petit joujou, qu’il va faire tomber dans l’eau dans la demi-heure suivante) ;  et dans les bacs d’eau fraîche, on élève des truites arc en ciel qu’on consomme dans les restaurants adjacents. Un lieu paisible malgré tout.

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Nous commandons une assiette de Travnik : cevapcici, pain savoureux, pain frit, agneau en lamelles, sorte de salami de bœuf, fromage de Travnik (sorte de féta réputé dans tout le pays) et crème de montagne presque devenue beure. Et quand Sophie demande au serveur de l’eau d’ici, pour demander de l’eau du robinet, il trempe le pichet dans le torrent et une fois rempli, le dépose sur la table.
Avec le café turc - pardon, bosniaque - servi dans les règles de l’art, bouillant dans son petit service traditionnel, avec son loukoum, et son amertume caractéristique ; on peut dire que l’arrêt à Travnik est un bon condensé de la Bosnie.

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 Après Travnik et jusqu’à Jajce,  nous empruntons des routes de montagne, passant par le col de Komar et rejoignant le défilé de la Vrbas du côté de Donji Vakuf. Magnifique rivière qui s’enroule au creux des montagnes, et dévoile des paysages bucoliques. Sur ces rives, j’aperçois deux ou trois mini-kamp, quasiment déserts, et tout récents. Le lieu, c’est vrai, se prête parfaitement au camping rural. 

Jajce se trouve sur les rives de la Vrbas qui file vers Banja Luka, capitale de la république Srpska. Jajce est une ville intéressante, sise dans un superbe site. Mais nous y reviendrons. Même si nous ne le savons pas quand nous nous arrêtons pour admirer ses cascades. 

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Un peu plus haut, se trouve le Plivsko Jezero, un grand lac artificiel (comme souvent dans l’ex-Yougoslavie).
Je suis passé par là pour voir le site des moulins. Mais entre les sens uniques et les culs de sac, je galère un peu pour les trouver. Dix-neuf (je ne les ai pas comptés) minuscules petits moulins en bois de l’époque ottomane se servaient du courant de la rivière pour faire leur job.

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Le décor de carte postale, les gens qui se baignent dans les petites piscines du lac, d’autres attablées avec leur bières pieds dans l’eau, et vu l’heure tardive - il doit être 18h - nous prenons la sage décision de nous arrêter au camping tout proche, le Plivsko Jezero, et tant pis si nous n’arriverons pas à faire la surprise à Pierre-Yves et Laurence de les rejoindre le 13 à Plitvice.

Double surprise au camping, c’est l’un des mieux équipés du voyage, et nous retrouvons le couple de l’Ain et ses deux enfants. Comme nous, ils sont tombés sous le charme du coin et on fait un pit-stop. Les enfants sont carrément contents, et ils vont bien en profiter pour jouer tous les quatre. Je crois qu’Ivann était le loup…

En avalant nos brochettes avec un verre de vin, la mésaventure du vélo me semble bien loin. Très loin.

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